Je suis magistrat depuis trente ans, j’ai notamment exercé comme juge des enfants et siégé en Cour d’assises. J’ai été confrontée à ce qui fait qu’un humain devient autre que ce qu’il aurait pu être lorsque sa capacité à l’empathie a été altérée par la violence, la maltraitance, les carences.
J’ai vu aussi des enfants se relever par la grâce d’une rencontre. Ces vies ont bouleversé la mienne.
La justice passe aussi chez ceux qui sont chargés de la rendre, c’est une thématique qui me semble passionnante à développer.
J’ai également suivi une formation de médiatrice parce que les meilleures décisions sont celles, forgées dans l’écoute et l’échange, auxquelles le juge associe ceux appelés à les subir. A une époque où les échanges par smartphones interposés ont tendance à se substituer à l'humanité d'un face à face, la médiation vient restaurer l'importance de la parole et de la relation.
L’écriture a toujours été là. J’ai peiné, en cours préparatoire à apprendre, de mes mains malhabiles, à former les lettres et les mots. Depuis que j’y parviens, j’ai rempli des cahiers, entretenu de longues relations épistolaires, écrit quatre romans et je viens d’en terminer un cinquième.
L’écriture me poursuit lorsque je la fuis. C’est une tension qui me ronge quand elle ne s’exprime pas, qui s’insinue, lancinante dans mes pensées, comprimée au fond de mon ventre. Je la ressens physiquement à l’affût d’un instant de relâche prête à pulvériser mes résistances, à m’emporter dans ces méandres de l’âme où je risque de me perdre. Elle me rejoint dans le renoncement, quand éreintée par cette lutte pour la tenir à distance, je l’accepte, incontournable. Alors, elle s’impose et me comble.
L’écriture m’asservit et me retient au bord d’un gouffre ; c’est un accomplissement, un aboutissement et un ultime garde-fou.
©2024 Hélène Lodie