Hélène Lodie
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Hélène Lodie

Les yeux rougis des enfants perdus

L'harmattan, 2014

En acceptant de reprendre le cabinet d’instruction de son collègue hospitalisé, elle n’avait pas idée des profondeurs obscures dans lesquelles elle s’enfoncerait : au chevet de la dépouille d’un vieil homme massacré, à la recherche de jeunes garçons kidnappés, au carrefour d’enfances pulvérisées par la violence et la perversité ; et face à elle-même.

Les yeux rougis des enfants perdus

Les yeux rougis des enfants perdus

« Plus tard, je me réveille transi, les cuisses inondées de sang. Je me redresse en hurlant. Le temps que je sorte du cauchemar, il a fondu sur moi. Il me soulève violemment et aperçoit mon matelas souillé. Ses poings s’abattent, avec toute la force de sa hargne. Ils brisent mes muscles, mes os. J’ai mal. Je suffoque de douleur pendant qu’il gueule. 

Tu t’es encore pissé dessus, petit merdeux ! Tu fais exprès de nous emmerder, je vais te faire passer l’envie moi !

Pendant qu’une brute me tabasse, j’écarquille les yeux de stupeur en voyant le visage gonflé et tuméfié de ma mère dans l’embrasure de la porte. J’ai dix ans et j’enrage d’être si petit, si frêle. Je voudrais protéger ma mère, parce que je n’ai qu’elle, ma maman que j’aime, mais j’ai bien trop peur. A dix ans, je bouillonne de colère, de haine et de désespoir. Et la colère, la haine, le désespoir creusent des lacis pourpres dans mes grands yeux muets d’enfant perdu. »

« J’ai mal, je voudrais arracher ce truc qui comprime mon crâne, mais je ne peux pas bouger mes mains. Je sens alors qu’elles sont entravées. La peur contracte mon corps endolori, la peur est une douleur et la douleur me fait encore plus peur. Je veux crier mais un filet de souffle rauque sort de ma gorge, je suffoque. Je vais mourir. Je veux me débattre, mes jambes ouatées ne réagissent pas. Je ne sais pas ce qui se passe, J’ignore où je suis.

Soudain, quelque chose d’autre que les battements de mon cœur affolé résonne dans le bourdonnement de mes tympans. J’entends des sons, des notes qui s’enchaînent et qui s’emballent. Une musique frénétique et effrayante cisaille mes oreilles, puis de nouveau le silence.

Et quelque chose me touche. Je me raidis. Une main se pose sur ma cuisse.

Une main chaude remonte sur ma peau ; de longs doigts, comme des serpents tièdes s’en roulent autour de… je suis nu ! »

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