Hélène Lodie

A Madagascar…

Dans ce pays où l’homme peut tout puisqu’il n’a rien, dans cette humanité surhumaine où la vie, imprévisible et impitoyable, est un risque à chaque instant.

Avec un racloir le pêcheur a creusé sa barque dans un tronc ; avec une pagaie l’homme-flot affronte la mer radieuse, gonflée de houle. 

L’homme de rien franchit la vague immense et revient, filet plein, son existence engagée pour la subsistance du jour.

Dans cette humanité surhumaine, vivre est un défi quotidien.

L’enfant-pierre assis au sol avec sa famille frappe et frappe encore les pavés pour les réduire en tas de graviers vendus quelques billets, ses yeux résignés exposés aux éclats acérés.

Dans cette humanité surhumaine, la vie est une succession de jours dans un bagne pour l’éternité.

L’homme-pirogue a hérissé son embarcation d’une petite voile de sacs rapiécés ; de la force de son corps contre le courant du canal, il transporte son chargement de grumes jusqu’à la lointaine ville portuaire.

Dans cette humanité surhumaine, vivre c’est être le moyen d’y parvenir.

La petite marchande-sourire virevolte, légère et douce malgré les refus, abordant, chaque fois comme la première, d’improbables acheteurs.

Dans cette humanité surhumaine, la vie est inextricablement liée à la ténacité.

Dans cette humanité surhumaine, les ethnies et les religions s’endorment et s’éveillent ensemble dans la paix.

L’homme peut tout quand la mort n’est qu’un passage chevillé à la vie.

De cette terre de prodiges où la nature fertile donne tout, de cette terre de désolation où les cyclones dévastent ce qui a été, je t’écris.

Terre d’inlassable recommencement.